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Un manuscrit de Jaur

Ajouté le 26/06/2012 - Auteur : webmaster

Le manuscrit de Jaurès mis en vente aux enchères au château de Lasserre (Montastruc-la-Conseillère) en mars 2012 a beaucoup fait parler de lui, indice marquant de la présence toujours forte de Jaurès dans l'espace public. Il s'agit d'un document important, ne serait-ce que par sa taille, le plus long manuscrit conservé de Jaurès semble-t-il : 121 pages de la main de Jaurès, rédigeant la motion de la fédération du Tarn en vue du congrès de Toulouse de la SFIO (15-18 octobre 1908), un moment-clef de l'histoire du socialisme et de la pensée jaurésienne. Le texte n'était pas inconnu : il a été publié dans Le Cri des travailleurs du Tarn le 18 octobre 1908. Ce n'est pas non plus le document essentiel du congrès, il n'a ni le souffle, ni l'ampleur du discours « de Toulouse », prononcé lors du congrès. Il doit être confronté avec tous les autres textes préparatoires, notamment les articles publiés par Jaurès dans L'Humanité ou La Dépêche. Les propriétaires de ce texte, descendants d'une famille albigeoise liée à Jaurès, souhaitaient depuis longtemps le vendre assez cher et avaient approché jadis Alain Boscus, directeur du Centre national et musée Jean-Jaurès, puis plus récemment son directeur actuel, Hugues Vial, ainsi que d'autres institutions ou acquéreurs potentiels.

L'Humanité et son directeur Patrick Le Hyaric dont l'intérêt particulier pour l'oeuvre et la vie de Jaurès est connu, ont mené campagne pour que ce manuscrit intègre une collection publique et puisse être consulté par les chercheurs. Un appel public signé par des intellectuels de renom (Régis Debray, Robert Guédiguian, Ernest Pignon-Ernest...) interpella le ministère de la Culture (L'Humanité, 15 mars 2012). Les Tarnais et les habitants de la région Midi-Pyrénées se sont montrés aussi très attachés à la conservation locale du manuscrit (cf. La Dépêche du 15 mars 2012), comme en témoignèrent les interventions de Roland Foissac, conseiller général PCF d'Albi, de Rémy Pech, ancien président de l'Université de Toulouse-Le Mirail et d'autres... Le problème était de le faire au meilleur coût (cf. L'Humanité, 20 mars 2012). Au passage, la remarque ne vaut pas que pour ce seul texte et les pouvoirs publics seraient sans doute bien inspirés de revoir les dispositions législatives permettant à la puissance publique de récupérer à meilleur compte ce qui doit intégrer les archives ou les bibliothèques publiques. La dérive vers l'individualisme et la privatisation croissants devrait être enrayée. L'historien des archives et jaurésien éminent Vincent Duclert avait naguère émis quelques propositions en ce sens, pour une préemption moins dépendante des aléas voire des manœuvres du marché.

En attendant, le document qui n'avait pas trouvé preneur le 25 mars, mais avait ensuite (le 18 mai) obtenu un débouché en vente directe auprès d'un particulier pour 178 000 euros, a finalement été préempté par l'État le 30 mai 2012 (cf. l'article d'Anna Musso, « Le manuscrit de Jaurès dans le domaine public », L'Humanité, 31 mai 2012). La somme est fournie à parts égales (50 %) par le ministère de la Culture et le Conseil général du Tarn présidé par Thierry Carcenac (PS). Le manuscrit sera conservé à Albi aux Archives départementales du Tarn et consultable dans les conditions habituelles. Ce document a incontestablement une « valeur morale et patrimoniale forte » en plus de sa valeur scientifique intrinsèque comme je l'expliquais dans une interview à L'Humanité (20 mars 2012) réalisée par Anne Musso. L'affaire se conclut donc heureusement, mais à un coût élevé... Les compromis nécessaires ?


G. C.